Une activité physique à double tranchant - différences entre loisir et travail

Vous êtes manutentionnaire, aide-soignant, agriculteur, pêcheur, vous êtes amené à porter des charges, marcher des kilomètres, adopter des postures diverses et variées tout au long de la journée . En théorie on pourrait considérer que vous êtes un sportif accompli et donc en pleine santé. En pratique, c'est loin d'être le cas vous n'êtes ni haltérophile, ni marcheur, ni gymnaste, ni en pleine santé.

Pourquoi l'activité physique de travail n'a-t-elle pas le même effet que l'activité physique de loisir ?

Quelles sont les différences entre une activité physique de loisir et une activité physique de travail ?

Tout d'abord, les objectifs sont différents. L'activité de travail à bien souvent un objectif pécunier tandis que l'activité de loisirs est un plaisir dédié à la détente avec potentiellement des objectifs de performance que vous vous êtes fixé et que vous maitrisez.

La maitrise de l'activité a des conséquences qu'il ne faut pas négliger. Dans le cadre de l'activité physique de loisir, il y a une maitrise de l'environnement, du moment, de l'intensité. L'activité physique de travail quant a elle échappe au contrôle, l'environnement est fluctuant, les horaires sont imposés tout comme l'intensité et l'objectif.

La durée de l'activité physique de loisir est bien moins importante entre 1 et 2 heures avec des temps de récupérations à la fréquence que l'on choisit. L'activité physique de travail a une durée beaucoup plus importante entre 7 et 12 heures par jour et cela 5 fois par semaine. A l'activité de travail s'ajoutent les impondérables du quotidien ainsi que les temps de loisirs ce qui limite la récupération.

L'activité physique de loisir est certes plus courte mais plus intense contrairement à l'activité physique de travail plutôt modérée et sur un longue durée.

Quelles sont les conséquences ?

Alors que les différents organismes de santé prônent les bienfaits de la pratique d'une activité physique régulière, de récentes études ont montré que ce n'était qu'en partie vrai.

En dissociant les différents types d'activités physique (travail et loisir) des chercheurs ont montré que l'activité physique de travail avait un impact négatif au niveau du système cardio-vasculaire. On observe un accroissement des pathologies liées au vieillissement cardiovasculaire chez les travailleurs physiques.

Pourquoi l'activité physique de travail est elle nocive ?

Les recherches conduites par Andréas Hotlermann et al. en 2018 ont émis différentes hypothèses :

• Pour améliorer le système cardiovasculaire, il faut pratiquer une activité à une certaine intensité (60 à 80% de la capacité aérobie maximale). L'intensité de l'activité physique de travail est trop faible et sa durée trop importante.

• L'activité physique de travail augmente la fréquence cardiaque et la tension artérielle sur une journée et non sur la période d'activité uniquement.

• Le temps de récupération n'est pas suffisant contrairement aux activités hors travail. Le corps peut donc réagir comme si il était en surentrainement dans le cadre du sport. L'activité physique engendre une inflammation, si la récupération n'est pas suffisante elle devient constante et augmente les risques d'artériosclérose et de maladies cardiovasculaires.

• Le salarié a peu de contrôle sur son activité de travail (vitesse, horaire, intensité, stress, environnement externe) ce qui engendre du stress et donc de l'épuisement.

En 2019, Rachel Climie et al. se sont intéressés à l'une de ces hypothèses : l'impact de l'activité physique de travail sur le fonctionnement des artères. Par ce biais, ils ont montré qu'un homme ayant une activité physique de travail élevée a un risque de mortalité précoce de 18% plus élevée que les autres.

De plus, il n'est pas rare qu'un travail physique soit associé à de longues amplitudes horaires. En 2021, l'OMS (Organisme Mondial de la Santé) a conclu que les horaires longs de travail, c'est-à-dire plus de 55 h par semaine augmente le risque d'AVC de 35% et celui de mourir d'une cardiopathie de 17%. Le caractère physique associé à une amplitude horaire de travail importante pourrait décupler les risques pour le système cardiovasculaire.

Pour conclure, l'activité physique de travail sur le long terme a des effets similaires au surentrainement sportif et engendre un risque accrue de développer des pathologies cardiovasculaire.

Pour réduire ces risques, il est important de tout de même pratiquer une activité physique de loisir hors du cadre professionnel, être vigilant à la récupération et à la fatigue liée au travail ainsi qu'aux amplitudes horaires de travail.

Sources :

• The physical activity paradox : six reasons why occupational physical activity (OPA) does not confer the cardiovascular health benefits that leisure time physical activity does, Holtermann, et el. Br J Sports Med, February 2018.

• Association Between Occupational, Sport, and Leisure Related Physical Activity and Baroreflex Sensitivity, Rachel E. Climie, Pierre Boutouyrie, etc al. Hypertensionaha, October 2019.

• Les longues heures de travail augmentent la mortalité liée aux maladies cardiaques et aux accidents vasculaires cérébraux, OMS, OIT, 17 mai 2021.