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Quand l'ennui n'est plus anodin : le syndrome du bore-out

Il aurait été plus évident d’aborder les risques psychosociaux par le biais du syndrome du burn-out bien plus médiatisé. Mais l’actualité nous amène à aborder un syndrome encore peu connu : le bore-out, l’ennui au travail.


Ce mardi 2 juin la cour d’appel de Paris a reconnu pour la première fois « le manque d’activité et l’ennui » comme une forme de harcèlement moral ayant conduit un salarié au bore-out.

Comment l’ennui d’un salarié peut-il amener un tribunal à condamner une entreprise à verser 50 000 € à ce dernier ?





Les risques psychosociaux :


Tout d’abord, il semble important de spécifier la notion de risques psychosociaux définie par le rapport Gollac publié en 2011, comme


« des risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et rationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ».

Des études ont montré que ce syndrome pouvait, au-delà de l’atteinte psychique, avoir des conséquences sur la santé physique telles que des maladies cardio-vasculaires, des troubles musculo-squelettiques. Le rapport Gollac souligne « un accroissement du risque de ces pathologies pouvant atteindre 50% à 100% en cas d’exposition aux facteurs psychosociaux au travail ».


L’un des risques psychosociaux le plus connu est le burn-out, défini par l’INRS comme

« un ensemble de réactions consécutives à des situations de stress professionnel chronique dans lesquelles la dimension de l’engagement est prédominante ».

C’est donc une situation de stress intense qui dure dans le temps.


Trop de stress sur le long terme engendre inéluctablement un épuisement professionnel. Comment l’ennui peut amener, lui aussi, à un état de mal être similaire ?


Le bore-out :


En 2007, Rothlin et Werer définissent le bore-out pour la première fois comme « un déséquilibre entre le temps de travail et le volume de tâches à réaliser ».

Cette définition a été enrichie par d’autres auteurs, qui considèrent que l’ennui peut aussi être causé par :

  • un manque de sens ressenti par le salarié dans son travail

  • une insuffisance de stimulation intellectuelle

  • le peu de perspective d’évolution.


Sabine Bataille, sociologue du travail, définit le bore out de la façon suivante :

« conséquences psychologiques vont de la fatigue à la décompensation psychologique en passant par la dépression et la honte de soi… l’ennui au travail lorsqu’il devient pathologique porte le nom de Bore-out Syndrom ».

Le travail et l’ennui semblent incompatibles comme l’écrit Voltaire « Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin.». Le travail aurait donc vocation de lutter contre l’ennui et pourtant…


Comment l'ennui peut-il engendrer de telles conséquences ?


Le dictionnaire Larousse définit l’ennui comme une


« lassitude morale, impression de vide engendrant la mélancolie, produites par le désœuvrement, le manque d’intérêt, la monotonie »

On peut associer le désœuvrement au constat de la philosophe Hannah Arendt sur la condition humaine. Pour elle, la vie active est constituée par trois types d’activités :

  • le travail : la condition minimale pour survivre que l’on peut qualifier de condition animale ;

  • l’oeuvre : qui consiste à créer, elle dépasse la condition animale car elle a vocation à perdurer ;

  • l’action : l’organisation, la définition de règle, la mise en place de système pour vivre ensemble qui est spécifiquement humaine.



L’ennui désœuvre et participe ainsi à la perte d’une part d’humanité en réduisant la condition humaine au premier stade. Selon Arendt, dans ce cas, le travail permet seulement de subvenir financièrement à ses besoins, alors que dans une organisation sociale, le travail est une fonction qui vise à produire et s’organiser par l’action.

Le travailleur se voit alors dans l’incapacité d’utiliser ses ressources mentales par manque d’objectif de production d’où une perte de sens lors de l’activité de travail.

La perte de sens et le sentiment d’exclusion sont d’autant plus forts que notre époque valorise fortement l’hyperactivité comme critère d’ambition.


Il est important de préciser que le bore out s’inscrit dans le temps, l’ennui ponctuel n’a pas de telles conséquences.


Les symptômes :


L’individu à tendance à modifier sa propre image en se dénigrant dans le but de réduire le décalage entre ce qu’il aspire à être et son travail.

Cette déshumanisation engendre des symptômes similaires à ceux du burnout :

  • la baisse d’estime de soi

  • le sentiment de honte et de culpabilité

  • la stratégie d’évitement en « tuant le temps »

  • le désengagement au travail

  • la perturbation de l’identité sociale

  • le sentiment d’inutilité sociale

  • la dépression


Qui est concerné ?


A ce jour, il existe peu d’étude à ce sujet. Cependant, les secteurs les plus touchés seraient ceux fonctionnant par saisonnalité alternant des périodes de très fortes charges de travail et d’autres creuses.

Les jeunes actifs peuvent être plus concernés, du fait du décalage entre leurs attentes, leurs valeurs et la réalité de leur emploi.

Les profils à fort potentiels sont aussi susceptibles d’être plus touchés car ils ont besoin de stimulations constantes.


Sources :



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